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Philippe Genty et Mary Underwood : La scène comme espace de métamorphoses
Dans la décennie des années 80, l’œuvre de Philippe Genty est à placer aux côtés de celles de Bob Wilson ou Tadeusz Kantor en ce qu’elle propose un théâtre d’images attentif à l’objet, à la matière et renégociant la présence de l’acteur.
Œuvre inclassable, aux confluents de la marionnette, de la magie, du théâtre, de la danse et des arts plastiques, la démarche de la compagnie Philippe Genty s’émancipe dans les années 80 de l’esthétique de type cabaret qui avait fait sa célébrité [1] – qu’on pense au bien connu Pierrot (1976), ou aux vedettes de théâtre noir Les Autruches [2] – et qu’il avait mise au point au retour d’un voyage de quatre années à la rencontre de marionnettistes du monde entier [3].
Après Facéties (1974), Rond comme un cube (1980), Sigmund's Follies (1983) et Désirs parade (1986), le metteur en scène et la chorégraphe Mary Underwood souhaitent travailler à une dramaturgie d’ensemble pour leur nouvelle création. Dérives [4], spectacle novateur à plus d’un titre, amorce un tournant en ce qu’il fonde les éléments d’un langage et d’une esthétique propres à la compagnie. C’est dans cette création que s’affirme de manière définitive le statut de la marionnette, pensée comme symbole de la vie intérieure de l’individu. Les interprètes y quittent leur rôle de techniciens pour apparaître comme des personnages dont les marionnettes sont les doubles.
Samuel, le protagoniste interprété par Eric de Sarria, est à la recherche de son identité et s’engage dans un voyage intérieur au cours duquel il rencontrera un architecte, une femme fatale dont il tombera amoureux (Rosy, manipulée par Pascale Blaison), une ogresse aux cuisses géantes (une créature hybride interprétée par Katy Deville portant une marionnette habitée). Confronté à une multitude de doubles de lui-même, il part à sa rencontre et ce, dès la scène inaugurale où, costumé en imperméable et chapeau beiges sur un quai de gare, il découvre dans sa valise une marionnette à son effigie. Cette dernière se démultipliera en plusieurs simulacres de lui-même, humains comme marionnettiques, envahissant progressivement le plateau, tandis que Samuel est amené à disparaître à l’intérieur de sa valise. Dans la dernière séquence, les interprètes abandonnent leurs marionnettes et, livrés à eux-mêmes, deviennent à leur tour automates, manipulés par d’autres acteurs. L’œuvre s’achève de manière cyclique sur l’image de Samuel seul en scène, valise à la main, bagage dans lequel une marionnette viendra ranger sa tête et ses vêtements.
Marie Garré Nicoara
Dossier réalisé en écho à la publication du numéro 56 de Manip (THEMAA, septembre-décembre 2018).
L’espace comme lieu de métamorphoses
Dérives inaugure aussi un cycle de spectacles portant sur la question du voyage, aux titres évocateurs : Dédale , Voyageur(s) immobile(s) , La Fin des terres, Lignes de fuite, Passagers clandestins …, où traversée des paysages et périple intérieur se confondent. La scène, monumentale [5], y est entièrement travaillée de manière plastique, semblant générer d’elle-même ses pa...
Coexistence acteur/marionnette
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Théâtre d’images et logique du rêve
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Pour aller plus loin
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